Rencontre avec la créatrice de bijoux corse Maria Battaglia
Plus que de la joaillerie, les créations de Maria Battaglia racontent une histoire fascinante, puisant dans les savoir-faire séculaires et le patrimoine insulaire de la Corse. Rencontre autour de trois bijoux iconiques de la marque.
Propos recueillis par Camille Bois-Martin.
Maria Battaglia ou la joaillerie fine dans le cœur
Il y a plus de vingt ans naissait la marque Casanera. À l’origine, un lien indéfectible avec la Corse et le désir d’une famille de faire rayonner sa flore, son histoire et ses valeurs. Aux côtés de sa sœur Marie, la jeune Maria Battaglia développe ainsi l’entreprise familiale au gré produits de beauté uniques fabriqués localement à partir de fleurs d’immortelles, un trésor rare et puissant du maquis de l’île. Promouvant l’art de vivre méditerranéen, le duo diversifie son offre, ouvre un hôtel niché dans les montagnes de Calvi (La Signoria), et s’associe à de jeunes créateurs de bijoux, proposant leurs pièces au sein de leurs boutiques.
“Petit à petit, je me suis passionnée pour les créations joaillères. Je visitais les ateliers, suivais les processus de création…” raconte Maria. “Ça m’a rappelée la fascination que j’avais pour les bijoux de ma mère. Elle en avait des boîtes entières que l’on s’amusait à fouiller avec mes sœurs : des dents de requin, des bracelets de corail, des parures…”. Alors, une idée naît : et si, elle aussi, façonnait ses propres pièces ?
Elle commence d’abord par imaginer des croix, vendue au sein de leurs points de vente et appréciées par leur fidèle clientèle insulaire. Puis les inspirations fusent, et incitent Maria Battaglia à lancer sa propre marque de joaillerie, à l’automne 2023. Elle s’entoure alors des meilleurs ateliers, de l’Italie à l’Espagne, confie ses modèles à l’œil aiguisé de Séverine Charnoud (professeure à l’École du Louvre et responsable qualité pour de grandes maisons de joaillerie), et source les plus belles pierres dans une démarche éco-responsable très exigeante, que peu d’entreprises parviennent aujourd’hui à respecter.
Feuille de châtaignier, pendentif en corail, bague en forme d’oursin… Comme pour Casanera, les modèles que Maria Battaglia imagine célèbrent le patrimoine de la Corse, autant que sa propre histoire. La preuve en trois bijoux, racontés exclusivement par la créatrice à Numéro.
Le collier Carla-Maria à l’origine de la marque Maria Battaglia
“J’ai imaginé cette croix il y a près de dix ans. À l’époque, c’était un bijou que j’avais conçu pour nos clientèles insulaires, qui appréciaient Casanera. Je n’avais pas de logo, pas de présentoir, mais c’était comme une extension de notre marque par le biais de laquelle j’exprimais mon appétence pour la joaillerie. Donc, quand j’ai lancé ma propre marque Maria Battaglia à l’automne dernier, cette pièce a évidemment été mon premier modèle. C’est mon iconique. La croix est un symbole très fort en Corse, plus que religieux : on en trouve partout, à l’entrée des villages, sur les hauteurs des montagnes et sur les maisons. D’où l’inspiration de mes tout premiers dessins !
Pour Maria Battaglia, je l’ai étoffée et déclinée en un grand et un petit modèle. Là, les ennuis ont commencé, en intégrant les diamants et une taille fine, il fallait faire en sorte que le pendentif ne soit pas trop lourd ni trop cher à acheter, afin de conserver ma clientèle proche. Mais c’est un pari qu’on a réussi. J’ai aussi ajouté une petite couronne de fleurs d’asphodèles autour du centre de la croix, qui mêle à la fois l’aspect symbolique et la richesse de la flore du maquis corse, et fait finalement le lien entre mon histoire et celle de mon île.”
La bague Oursin : de la pureté des plages corses à la rareté de la Tanzanite
“J’ai grandi en bord de mer, en passant mes journées sur la crique rocheuse qui jouxte la maison de mes parents. Les oursins font donc partie de mon paysage depuis l’enfance. Surtout, ils sont un emblème méditerranéen très fort puisque leur présence atteste de la pureté de l’eau. C’est un élément très important dans la biodiversité marine. En Corse, tout le monde apprécie et chérit l’oursin. C’est donc un motif qui m’est directement venu en tête quand j’ai commencé à réfléchir à mes bijoux, je l’ai presque immédiatement visualisé dans tout ses détails. Mais c’est aussi probablement la pièce la plus compliquée que j’ai eu à produire.
Avec ma dessinatrice, nous sommes parties littéralement d’une coque d’oursin dont on a observé tous les recoins pour les rapporter sur les quatre bagues. S’en sont suivies deux années de réflexion autour de la production car j’utilise de la Tanzanite violette, qui est une pierre très difficile à trouver, surtout dans ces teintes. Elle a une luminosité, une brillance incomparable. J’ai poussé tous les détails à l’extrême : chaque modèle est confectionné à la main, avec le corps de bague qui est perlé, l’or blanc ciselé, le guillochage entre les lignes de diamants qui structurent la tête… Au début, mes ateliers ont été obligés de refaire plus d’une centaine d’oursins, car ce n’était pas exactement comme on l’avait imaginé ! Mais c’est aujourd’hui un de nos best-sellers.”
Mythe insulaire et savoir-faire séculaire : les pendentifs en corail
“Dans la mythologie grecque, les branches de corail sont le sang de Méduse qui a coulé dans la mer après qu’elle fut décapitée par Persée. Dans la culture corse, cette signification lui donne une force protectrice : on s’offre du corail comme un talisman, pour repousser le mauvais œil. Une petite main ou un petit poing, qu’on accroche au dessus du berceau après une naissance ou à l’entrée d’une maison. Le corail corse a une autre particularité car il est très rouge, à tel point qu’on le surnomme “sang de bœuf”. C’est d’ailleurs ce qui le différencie de ceux pêchés sur les côtes africaines ou dans le Pacifique, qui sont plus orangé ou rose pâle. Pour sa symbolique comme pour sa provenance, le corail était donc destiné à faire partie de la marque Maria Battaglia.
J’ai reproduit en divers pendentifs ces motifs, la main et le poing, que je fais tailler dans la ville italienne Torre del Greco, capitale de la taille du corail depuis des siècles. Chaque pièce est unique car chaque branche est différente et fait donc varier la forme finale du bijou. J’ai imaginé en plus un petit manchon, que j’ai décliné avec de la dentelle, des émeraudes, des petits diamants… Et si le morceau de corail est trop fin pour s’insérer dans le pendentif, et bien on le transforme en petite boule pour orner le fermoir de la chaîne en or. Rien ne se perd !”
Les bijoux Maria Battaglia sont disponibles au Bon Marché – Rive Gauche, dans les boutiques Casanera et sur mariabattaglia.fr.